3 juin 2009

DADA dAdA DadA dADa


Mince alors, j'avais complètement z'oublié que j'avais un cadeau pour la Princesse en Rouge... Ou plutôt non, je n'avais pas z'oublié de présent, qui était enfoui sous une tonne de paperasse, mais j'ai simplement omis de le faire paraître... Quand on a pô de tête...
Oui, un cadeau pour la simple et bonne raison qu'elle avait gagné au Kikachantékoi... Tu voulais un cheval, il me semble, je t'offre un dada, c'est bon aussi ?
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Alors qu'est-ce que dada, au sens présent ? Laissons parler les professionnels...


« Dada est une nouvelle tendance artistique, on s'en rend bien compte, puisque, jusqu'à aujourd'hui, personne n'en savait rien et que demain tout Zurich en parlera. Dada a son origine dans le dictionnaire. C'est terriblement simple. En français cela signifie « cheval de bois ». En allemand « va te faire, au revoir, à la prochaine ». En roumain « oui en effet, vous avez raison, c'est ça, d'accord, vraiment, on s'en occupe », etc. C'est un mot international. Seulement un mot et ce mot comme mouvement.» *

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Hugo Ball en train de lire son poème Karawane...

« Die Kunst ist tot. » Tel est le constat pessimiste et nihiliste d’un groupe d’artistes en 1916. « L’art est mort. » C’est un cri, un signal d’alarme que poussent les créateurs de Dada, mais aussi leur point de départ, leur pilier inventif.
La guerre et ses atrocités furent à l’origine de bien des courants artistiques : que ce soit le cubisme, réponse directe aux ravages exécrables de la boucherie humaine, ou l’expressionnisme et ses formes anguleuses, témoignage d’un mal être profond des hommes, l’art a toujours répondu à sa manière à la société. En 1916, c’est un état d’esprit qui prend possession du corps artistique. Des jeunes gens se retrouvent à Zurich avec une idée en tête : non, ils ne feront pas la guerre. Pour se faire entendre, tous devrons lutter sous une même bannière : DADA est né. Bien que nous ne pouvons qualifier dada de « mouvement », car il se trouve être en rupture totale avec les codes et les désignations usuels, nous avons tendance à vouloir lui donner une étiquette pour le comprendre. Pourtant, dada refuse toute étiquette. Mouvement il n'est pas, car l'appellation même de mouvement implique de cadrer les choses, de les ranger ; or, dada est l'art de l'inverse, de la provocation, de la rupture, de la négation...

C’est une bataille véhémente qu’il mène contre l’absurdité du monde moderne. Et quelle est la meilleure manière pour mener à bien ce combat, pour dénoncer convenablement l’incohérence et la stupidité des hommes ? Jouer avec cette absurdité. Considérer le monde avec un grand doute. Nier les choses qui nous paraissent évidentes. Pour dada, une société qui a mis sa jeunesse dans la guerre ne mérite pas qu’on s’y intéresse. Voilà pourquoi les œuvres qui en découlent ne peuvent être étudiées linéairement et strictement. Voilà pourquoi elles nous paraissent étranges, voire farfelues. Car elles sont en parfaite rupture avec le passé, en parfaite opposition avec le présent. Car dada est la négation de toutes choses, même de sa propre existence. Dans un tel contexte de paradoxe et de contradiction, Hugo Ball, l’inventeur du dadaïsme [ ou plutôt la personne ayant trouvé que ce nom ferait l’affaire, cf plus haut, Ô Hôte Assidu que tu es ] invente une nouvelle forme de poésie : la poésie phonique. Que faire de mots qui ont été ressassé et dont on n’attend plus rien ? Que faire de mots ayant été le témoignage de l'avilissement humain ? Le poète préférera une acception bien plus précise à son « poème sans mot ». « Je voulais laisser tomber le langage lui-même, ce sacré langage, tout souillé, comme les pièces de monnaies usées par des marchands*. » Une manière bien peu commune de considérer le monde…

Au cabaret Voltaire


Un poème déconstruit, dans un monde déconstruit. Le dadaïsme, pourrions-nous dire, est un parfait exemple de l’art discontinu. Dada étant le synonyme de la contestation, il n’est pas étonnant que ses méthodes pour faire entendre sa voix soient quelque peu violentes et irrégulières. Comprend, Ô Adoré, que les représentations des dadaïstes ne se faisaient pas dans le calme lumineux d'un salon parfaitement rangé, mais dans un tumulte de sons et de lumières, de pièces de théâtre plus ou moins improvisées, de visite d'une pièce remplie d'oeuvres placardées sur les murs, disseminées sur le sol, collées au plafond. Cependant, au milieu de cette tornade furieuse prônant la déconstruction des formes entendues et la mise en avant du non-sens permanent régissant nos vies, une lueur apparait : le mot. Jusque là férocement combattu, car beaucoup trop défini, il a peut-être réussi à prouver sa valeur. Ce n’est pas parce qu’il est inhérent aux hommes, incohérents, qu’il doit également être absurde. Le mot est peut-être la seule chose qui peut encore conduire dada vers sa volonté première, à suivre l’utopie qui lui a donné naissance. Car s’il affirme lui-même que l’art est mort, il ne désire qu’une chose : créer un art premier, un art ultime.

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« Je ne veux pas de mots inventés par quelqu'un d'autre. Tous les mots ont été inventés par les autres. Je revendique mes propres bêtises, mon propre rythme et des voyelles et des consonnes qui vont avec, qui y correspondent, qui soient les miens. Si une vibration mesure sept aunes, je veux, bien entendu, des mots qui mesurent sept aunes. Les mots de Monsieur Dupont ne mesurent que deux centimètres et demi. On voit alors parfaitement bien comment se produit le langage articulé. Je laisse galipetter les voyelles, je laisse tout simplement tomber les sons, à peu près comme miaule un chat… Des mots surgissent, des épaules de mots, des jambes, des bras, des mains de mots. AU. OI. U. Il ne faut pas laisser venir trop de mots. Un vers c'est l'occasion de se défaire de toute la saleté. Je voulais laisser tomber le langage lui-même, ce sacré langage, tout souillé, comme les pièces de monnaies usées par des marchands. Je veux le mot là où il s'arrête et là où il commence. Dada, c'est le cœur des mots. Toute chose a son mot, mais le mot est devenu une chose en soi. Pourquoi ne le trouverais-je pas, moi ? Pourquoi l'arbre ne pourrait-il pas s'appeler Plouplouche et Plouploubache quand il a plu ? Le mot, le mot, le mot à l'extérieur de votre sphère, de votre air méphitique, de cette ridicule impuissance, de votre sidérante satisfaction de vous-mêmes. Loin de tout ce radotage répétitif, de votre évidente stupidité. »*

« C’est dada qui te parle, il est tout, il comprend tout, il est de toutes les religions, il ne peut être ni victoire ni défaite, il vit dans l’espace et non dans le temps. »
Qu'est-ce que dada ? Un état d'esprit...

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* Citations tirées du Manifeste DaDa, prononcé le 14 Juillet 1916, à Zurich.

5 commentaires:

... a dit…

alors ça c'est un truc qui me dépasse, comme beaucoup de choses qui se veulent destinées à interpeler les gens tout en les maintenant en dehors du délire. je n'aime point ça mais bon, chacun fait ce qui lui plaît et c'est trés bien!

PetitChap a dit…

J'adoreuh ce cadeau ! C'est parfait, vraiment parfait !! Et puis c'est rigolo, le dadaïsme, même si ça me dépasse par moment...

Et puis j'aime beaucoup le verbe "galipetter"... Je vais l'inclure à mon vocabulaire... Je vais peut être laisser tomber "Plouplouche" et "Plouploubache"... encore que... J'adore !!

Tu t'es surpassée pour ce cadeau... Merci infiniment, vraiment...

La bise

Elbereth a dit…

Qui n'est pas destabilisé par le dadaïsme ? Je vous l'demande...
En même temps, lorsque le Non-Sens prend du sens, je trouve ça fascinant moa...

>>> Je t'en prie Princesse, ça me fait plaisir que ça te fasse plaisir, parce que ça veut dire que j'ai réussi ma mission ! :D
A vot' service !!!

Anonyme a dit…

I know that of course, and sometimes I feel attuned with this kind of artists!

Anonyme a dit…

je suis plutôt pour le concept, j'aime bien certains trouks en tout cas! moi ça me suffit!